Les vieux

Les Vieux

Assis le Dimanche, en brochette, le long d’un tronc couché, ils devisent, sans paroles, de jours anciens et de choses disparues. Car leur langage s’est usé comme les pierres du torrent, et, des mots abolis, leur bouche n’a conservé qu’une sonorité vague qui roule doucement et ne rebondit plus.

Et cependant, leurs discours doivent être graves, car ils demeurent tête baissée sous leurs grands feutres bruns et l’on aperçoit, par derrière, leur nuque crevassée, imbibée de soleil.

Une chemise rude, serrée au col par la cravate noire, roulée en corde, bâille sur un bout de poitrine velue; dans la poussière traîne les pans bleus des gonnnes et les boutons de cuivre, tremblants au bout d’un fil, clignent de leurs yeux jaunes.

Chaque jour, en passant, a touché la tête droite et les reins d’acier, et c’est, maintenant, la rouille qui les mord, comme elle mord le vieux soc, là-bas, au fond du raccard.

Le cuir rouge de leur face est incisé, une broussaille grise protège leurs yeux lavés, innocents comme ceux des petits, pour avoir oublié les mauvaises choses de la vie, et leurs mains, taillées dans l’écorce des chênes, ne savent plus qu’un geste qui ne s’achèvent pas.

Ils sont immobiles.

De lentes bouffées qui montent des pipes soudées aux lèvres violettes, les enveloppent d’un voile fin… Ce n’est plus le temps où l’on dansait, dans quelque pré, au son maigre du minitri, où l’on s’en allait à la veillée, joli et propre, visiter la dzoenna préférée !

Et les vieux se taisent, se sentant devenus, sous la laine épaisse, de la couleur des poussières et des feuilles mortes, de la couleur des choses que le vent porte.

Mais, ce que la mort seule emportera, c’est la petite fleur, éternelle et respectée, dont la corolle s’épanouit encore dans leur sourire resté tendre et confiant.

C’est le souvenir, vivace et consolant, qu’ils abritent au fond de leur cœur, comme on préserve une flamme avec la main, c’est le doux viatique d’autrefois qui les aide à se porter, jusqu’au dernier jour, sur leurs pieds fatigués, trop souvent arrêtés près des tombes.

Et les Vieux, retrouvant pour la fin les âmes candides de la première jeunesse, disent avec philosophie:
«N’en faut-il pas de toutes sortes, de ceux qui viennent et de ceux qui s’en vont.»

Marguerite Burnat-Provins


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Les vieux d’aujourd’hui

Assis le dimanche autour d’une table chez Zenhäusern, ils discutent sans jamais s’arrêter, un bon sirop grenadine à la main et une clope au bec.

Ils parlent également leur vieille langue autant vieille qu’eux: le patois.

Au jour d’aujourd’hui leur belle langue moyennement compréhensible est presque morte comme leur savoir. Mais ils restent tous fidèles à la vie.

Un beau jeans des années 1980, une chemise blanche à carreaux à col roulé, les vieux d’aujourd’hui vivent dans de vieilles maisons rénovées de 1930.

Comme d’habitude, la sortie du lit se fait toujours avant huit heures et le coucher après vingt et une heures.

Une fois levés, ils s’en vont marcher en toute discrétion dans la petite forêt à l’horizon. Puis, en rentrant la vieille prépare le bon poulet au four avec le rizotto aux tomates et la salade verte.

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PA CAPONA

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